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mercredi 21 novembre 2012

Hollande et le mariage gay : la carte et le territoire.





Sur le « mariage gay » - pour ceux qui sont contre - ou « mariage pour tous » - pour ceux qui sont pour - on aurait aimé pouvoir continuer à n’avoir pas d’avis.

Il arrive, sur certains sujets, qu’on ne sache pas trancher, soit qu’on ait manqué à son devoir de s’informer, soit qu’on ne soit pas parvenu à se passionner, soit qu’on ait été en vacances prolongées sur la planète Mars et qu’on ait loupé un épisode. Or, quand on n’a pas d’avis, on devrait pouvoir bénéficier du droit imprescriptible à la boucler.

Ainsi, on poursuivrait volontiers une flânerie intellectuelle paresseuse entre trois ou quatre demi-poncifs sans ressentir l’urgence de se faire une idée précise, ceci jusqu’à ce que la loi soit votée. S’autoriser à être spontanément « plutôt contre », parce qu’on ne sait pas où toutes ces novelletés sociétales nous mènent, ma pauv’ Lucette. Trouver un tantinet étrange que d’aucuns se battent pour cette vieille lune qu’est le mariage, et le fassent au nom du « progrès ». Puis devenir, finalement, « plutôt pour » parce que les arguments susdits ne suffisent pas à s’auto-convaincre, et que, faute de pouvoir dire franchement « non », on finit par dire vaguement « oui ». Ce « oui » qu’on ne prononcera jamais devant monsieur le maire parce qu’on n’a pas l’intention de convoler, ni maintenant, ni plus tard, ni jamais. Tout en étant bien conscient que cette liberté de ne point épouser est le strict corolaire du droit d’épouser si on le souhaite. Un droit de « ne pas » que d’autres n’ont pas.

Bref, on adorerait pouvoir tergiverser en paix, jusqu’à ce que d’autres finissent par décider, parce qu’ils ont été élus pour ça, et que c’est tout l’intérêt de la démocratie représentative.

Mais pour que cela soit possible encore faudrait-il que ceux qui sont chargé de décider…décident. Non qu’ils affirment, puis qu’ils infirment. Non qu’ils promettent, puis se démettent. Ni qu’ils s’adonnent à l’art facile de la synthèse molle. Car s’ils avancent, puis qu’ils reculent, comment veux-tu… ?

Hier, pourtant, à l’occasion du congrès des maires de France, le président a flanché. Trois jours à peine après que des manifestations ont eu lieu pour protester contre le projet de loi sur le « mariage pour tous », Hollande a concédé aux édiles qu’ils pourraient s’arranger avec ladite loi en fonction de…leurs états d’âme. « La loi s’applique pour tous dans le respect de la liberté de conscience », a-t-il déclaré, inaugurant le principe saugrenu du « droit des maires à disposer d’eux-mêmes ».

Célèbre pour son habilité dans le domaine du « mi-chèvre / mi-choux » et cherchant manifestement à ne fâcher personne, François Hollande semble avoir oublié que, lorsqu’il célèbre un mariage, le maire n’agit pas en tant que personne privée dont il faudrait ménager la « sensibilité ». Ni même en tant que patron autonome de sa petite baronnie perso. Il agit au nom de ces « fonctions spéciales qui lui sont attribuées par la loi », ainsi que le stipule le code général des collectivités territoriales. Et c’est en tant que représentant, non de lui-même mais de l’Etat, que l’article L2122-32 dudit code fait de lui un « officier d’état-civil ».

Certes, on pourra objecter que dans la vie de tous les jours, la délégation est possible et même fréquente. Ne serait-ce que parce que certaines villes sont grandes et que le maire ne peut marier à la chaine. Du coup, le président a cru habile d’ajouter : « les possibilités de délégation [d’un maire à ses adjoints] existent et peuvent être élargies ». Mais ce n’est pas parce qu’une chose existe qu’on doit en faire une règle. Depuis quand un simple fait est-il habilité à devenir une norme ?

En outre, c’est une étrange façon de préfigurer l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi que de convenir dès avant son adoption qu’elle pourra être appliquée en mode dégradé. Cela implique d’une part que certains pourront appliquer la loi à la carte, cependant que d’autres – les administrés – se la verront appliquer différemment en fonction du territoire dans lequel ils résident. La légalité façon « La carte et le territoire », comme dirait Michel Houellebecq, ou l’égalité devant la loi à géométrie semi-variable, en fonction du lieu et du bon vouloir : vive la décentralisation.

Sur « mariage pour tous », on n’a toujours pas tranché. Quant à l’unicité de la loi sur le territoire de la République, on croyait l’avoir fait. Mais c’était avant de savoir qu’il existait une possibilité d’objection de conscience pour les lois qui nous déplaisent, et dont on va s’empresser de dresser une liste exhaustive, afin de pouvoir déterminer « en conscience » desquelles on s’exemptera.


4 commentaires:

  1. Hollande pris au piège des promesses inconsidérées.
    Reste qu'il ne s'est pas fait élire pour acceder aux désideratas de 0,00001 de la population.

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  2. Fredi m: il a été élu aussi sur cette promesse

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    1. Vous avez bien raison M. Blachier.
      Ce sont même ces 0,00001% de la population qui ont fait la différence.
      Le poids des lobbys sans doute....

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  3. @romain Blachier,
    pas d'accord: Hollande a été élu parce qu'il était le plus apte à éliminer Sarkozy, et non pour l'application de l'ensemble son programme. D'ailleurs, le TSCG et la TVA "socialiste" vont être appliqués contrairement à ce qui avait été promis, tandis que le vote des étrangers va être abandonné, faute de majorité au Congrès.

    Le problème ici est bien plus grave car il s'agit de principes républicains: comme le signale très justement Coralie, si on autorise un officier d'état civil à ne pas appliquer une loi votée par le Législateur pour des raisons de "liberté de conscience", c'est la porte ouverte à toutes les dérives. En plus d'être lâche, Hollande est inconséquent car ces propos minent le pacte républicain en le livrant l'application du droit à l'arbitraire: si demain, par exemple, un professeur refuse d'enseigner un thème (Darwin, l'histoire, etc...) au nom de sa liberté de conscience, que va-t-il se passer? Et encore, j'ai pris une situation "soft".
    Le discours de Hollande aux maires de France est profondément anti-républicain et irresponsable: c'est selon moi la pire action qu'il a faite depuis son arrivée au pouvoir.

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