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mercredi 21 décembre 2011

Ne nous trompons pas de protectionnisme ! -- article invité --


Par C. Mascaret, invitée de l'arène nue
C. Mascaret travaille dans le privé où elle est priée de garder ses opinions politiques pour elle. Effarée par l'absurdité et les dégâts de la logique "tout-économique", elle trouve dans la remise en cause de la mondialisation un peu d'espoir pour remettre un zeste d'humanité dans la machine. Ses propos, publiés par l'arène nue, n'engagent qu'elle....
....et un peu moi aussi. Aussi me bornerai-je à dire que sur la question du protectionnisme économique, nous sommes en total accord, mais que je suis un peu plus "xéno-protectionniste" que "C". Je suis même prête à faire mienne la phrase célèbre de Michel Rocard : "la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde". En effet, je demeure persuadée que ce n'est pas, loin de là, la plus grosse bêtise que Rocard ait proférée. Pour autant, je demeure enchantée de ce texte, et en remercie très chaleureusement C. Mascaret. CD
 
 


Il y a encore un an, Emmanuel Todd, Jacques Sapir, Jean-Luc Gréau,  Frédéric Lordon et quelques autres prêchaient dans le désert ou mieux, dans l’antichambre de l’hôpital psychiatrique en faveur du protectionnisme économique : qu’ils soient « eurosceptiques » ou adversaires de la « mondialisation libérale », on les traitait volontiers de fous.
Mas il est connu que « plus on est de fous, plus on rit ». Une association d’économistes s’est donc montée avec pour ambition de sortir ce sujet de son néant médiatique et de l’imposer dans le débat présidentiel.  L’objectif est en bonne passe d’être atteint : tabou à Pâques, le protectionnisme se cuisine à toutes les sauces pour Noël.
Comme tous les concepts en voie de banalisation, le terme même de protectionnisme commence à se galvauder. Le protectionnisme, comme l’écrit en substance Jean-Luc Gréau, cela veut dire protéger les intérêts économiques d’une zone donnée et non pas se fermer aux savoirs et aux savoir-faire du reste du monde.
Les premiers débats ont globalement porté sur le périmètre possible ou souhaitable des échanges commerciaux. Européen comme le prônent Todd, Chevènement ou Montebourg, français comme le souhaitent Dupont-Aignan et Le Pen-fille, planétaire parce que le « le monde est tel qu’il est » comme le rabâchent ad libitum Minc-le-ravi-de-la-mondialisation et le marquis Lamy de l’OMC ? Je passe sur les arguments en faveur de tel ou tel périmètre, qui ont déjà fait l’objet de nombreux débats, tous légitimes pour installer le sujet dans l’espace public.
Ce qui est moins légitime à mes yeux, c’est de confondre protectionnisme économique et :
Le xéno-protectionnisme  : renvoyer chez eux les médecins béninois, les étudiants du monde entier diplômés de grandes écoles françaises, les éboueurs maliens, maçons marocains et autres plongeurs sri-lankais ne protège en rien les intérêts économiques de la France. Si nous recrutons des médecins dans des pays qui en manquent, c’est parce que notre pays n’en forme pas assez et que les règles d’aménagement médical du territoire, si elles existent, mériteraient d’être sérieusement revues.

De même, si les secteurs du bâtiment, des travaux publics ou de la restauration recrutent des immigrés, légaux ou non, pour les travaux les plus pénibles, c’est évidemment pour pouvoir leur faire faire un boulot dont aucun de nos compatriotes ne veut, payé au lance-pierre et pour les illégaux, sans aucune protection sociale. Le prochain qui me dit que les « zétrangers » lui piquent son boulot, je lui donne deux heures d’éboueur le matin de 5 à 7h, trois heures de plonge à l’heure de la sieste et deux heures de ménage dans des bureaux de 21 à 23h. En CDD d’une semaine renouvelable. Mieux, au noir.

Le protectionnisme idéologique : Jean-Luc Mélenchon, affranchi des pudeurs internationalistes de ses alliés communistes, François Bayrou fraîchement converti et même Laurent Wauquiez chantent les louanges du « produire et acheter français » sur l’air des lampions ? Ah la bonne heure ! Avec un peu de chance, le protectionnisme économique va être poussé dans l’assiette des deux candidats finalistes de l’élection présidentielle et il est vraisemblable que le futur Président de la République ne pourra pas faire l’impasse sur un sujet à propos duquel la pression de l’opinion est si forte qu’elle occupe maintenant tout l’échiquier politique.  

Arnaud Montebourg n’a pas gagné la primaire socialiste mais sa démondialisation, même incomplète, même galvaudée, même instrumentalisée, même récupérée avec toute la mauvaise foi du monde, gagne du terrain tous les jours. D’aucuns s’en offusquent et l’écho qu’ils rencontrent sur Twitter laisse penser qu’ils sont nombreux.

Quitte à devoir s’accommoder de candidats de second choix en avril prochain, il me paraît plus constructif de se féliciter que le protectionnisme économique soit enfin à l’agenda de la campagne, que de vouloir protéger d’un copyright les idées d’un candidat qui s’est –hélas- fait éliminer avant même le premier tour de l’élection présidentielle. Votons pour des idées, pas pour un homme providentiel qui n’existe pas.
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8 commentaires:

  1. Ici en Cote d'or chez les ploucs donc les zeboueurs ne sont pas étranger mais c'est vrai que nous sommes un peu spéciaux nous avons encore des fossés que nous entretenons par des Bourguignons de souche

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  2. et personne ne m'appelle Pascal SVP

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  3. Concernant Mélenchon et les "pudeurs internationalistes" des communistes.
    Il y a longtemps que ces "pudeurs" n'empêchaient pas le PCF de se prononcer pour "produisons français". C'était même un slogan avant 1981, sous Georges Marchais.

    Une vidéo de la campagne de Marchais en 1981 :

    http://www.ina.fr/politique/partis-politiques/video/CAA01036565/georges-marchais.fr.html
    (Allusion au protectionnisme au bout de 11 minutes par Philippe Herzog puis Marchais).

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  4. De Gaulle n'a donc jamais existé.
    Que vient faire le "xéno-protectionnisme ici"? Sarkozy expulse des médecins béninois pour des raisons électoralistes ou pour enrichir les médecins français. Les latins ne sont pas racistes, ils ne supportent pas la différence et le racisme allemand ne dérange pas les girondins.
    Savoir qui porte une idée est important, un girondin ira jusqu'au bout de son adoration de l'Allemagne post-hitlérienne, on sent que Marine Le Pen pourra difficilement se dédire sur le Rope.

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  5. Le "protectionnisme européen", cela m'apparaît comme une sacrée foutaise, et ça me gêne beaucoup de contredire le grand maître Todd.

    Quant à la fameuse phrase de Rocard (qu'il eût quand même été préférable de citer en entier), idem sauf que là ça me gêne beaucoup moins - allez savoir pourquoi…

    Le protectionnisme européen :

    -Quid de la délocalisation intra-européenne ??

    -Mais surtout, comment qu'on fait si les autres pays de l'UE n'ont pas envie de ce protectionnisme européen ? Je ne vois qu'une option : revenir la queue basse, comme Jospin après son élection en 1997 (dire que j'avais voté pour cette "gauche plurielle" qui n'était ni plurielle ni encore moins de gauche…), et admettre que, bah non, c'est bête, mais j'ai pris un râteau avec Angela (et/ou avec tel ou telle autre).

    Mais enfin, comment diable peut-on faire un programme politique avec du "protectionnisme européen" dedans ?? C'est vraiment prendre les gens pour des demeurés.

    Pour le coup, je ne suis même pas sûr que le débat sur le périmètre du protectionnisme soit réellement légitime. De qui se moque-t-on?

    De même, comment diable peut-on faire un programme avec du protectionnisme national dedans, mais pas de sortie de l'UE, alors que l'UE organise méthodiquement les délocalisations massives (cf article 63 du TFUE) ?? Idem. (Notez bien qu'ici ce n'est pas un problème avec l'euro… donc il ne suffit pas de sortir de l'euro, il faut sortir de l'UE)

    J'ajoute que cette politique délibérée de délocalisation vise bien des objectifs politiques : il s'agit de détruire socialement, économiquement, institutionnellement (je pense aux syndicats), l'électorat potentiel des (vrais) partis de gauche (désormais potentiels eux aussi…) - ces électeurs "irresponsables" qui voulaient par exemple nationaliser l'ensemble du secteur bancaire… La délocalisation, c'est politique avant d'être économique. Je résume volontiers ça en disant que la délocalisation est une tentative (désespérée ?) du maître pour échapper à la dialectique du maître et de l'esclave. L'esclave votait (démocratiquement) pour les nationalisations, la parade consistait à lui ôter ce qui lui permettait de mettre en œuvre le fameux (et fabuleux) mécanisme décrit par Hegel : sa production. Solution radicale. Le problème, c'est qu'au bout d'un moment la même dialectique finit par se jouer à l'échelle des Etats…

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    1. les poltiques de délocalisation sont uniquement et exclusivement destinées à augmenter à trés court terme la rentabilité des investissements.
      La destruction du tissu social , associatif est uniquement une conséquence de cette méthode de gestion .
      A mon sens il faut commencer par organiser l 'europe et exiger une dimension sociale à la constitution européenne pourquoi pas ne appliquer la législation la plus favorable aux travailleurs.
      A mon sens il faut prevenir les délocalisations en faisant en sorte de frapper fort sur le portefeuille des groupes qui jouent à ce petit jeu,par ailleurs tant qu'on parle du portefeuille des grands groupes il serait bon d 'interdire les pratiques constituant à multiplier les filiales bidons dans des paradis fiscaux pour éluder l 'impot....

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  6. (Suite du commentaire précédent)

    Le "xéno-protectionnisme" (drôle de mot) :

    J'ai dit tout le mal que je pensais de la doctrine Rocard par exemple ici. Mais d'un autre côté, je voudrais dire à l'invitée de Coralie que bien des Français seraient certainement contents de s'occuper des poubelles, de la plonge et du ménage… pour peu que ce soit en CDI et à temps plein.

    Donc pour en revenir aux travailleurs immigrés, j'insiste : le problème, ce ne sont pas les immigrés, ce sont les clandestins. Ce sont les clandestins qui peuvent faire pression à la baisse sur les salaires et les droits sociaux - pas les immigrés en situation régulière, ils ont le même SMIC et les mêmes droits sociaux que nous !

    Pour ne plus avoir de clandestins, il existe deux options :

    1- Si on pense que la France est surpeuplée ou en voie de l'être, sortir de l'espace Schengen, remettre en place de sévères contrôles aux frontières, traquer les clandestins qui passent entre les mailles (il y en aura toujours beaucoup), et les reconduire systématiquement à la frontière ce qui suppose toutefois des accords ad hoc avec les pays d'émigration ; je tiens à préciser que cette solution est possible, et que pour désagréable qu'elle soit, elle n'a rien à voir avec les heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire (je ne vais pas vous faire ce coup-là) ;

    2- Si on pense que la France n'est pas surpeuplée, ouvrir totalement les frontières. Il est évident que le séjour clandestin deviendrait alors un phénomène d'ampleur négligeable - ce qui n'empêche d'ailleurs qu'il faudrait bien sûr maintenir une sévère prohibition du séjour clandestin. Solution qui a ma préférence, et qui à mon avis suppose là encore de sortir de Schengen, pour des raisons inverses.

    Si quelqu'un peut proposer une autre option… j'attends.

    La perversion, c'est la politique actuelle (celle de l'UE et de nos gouvernements successifs) qui consiste à entretenir délibérément des bataillons de clandestins qui jouent - certes bien malgré eux - le rôle de supplétifs de la délocalisation. On y parvient avec des phrases du genre : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part ». On y parvient en contrôlant un peu les frontières, mais pas trop, en reconduisant un peu à la frontière un peu, mais pas trop. C'est de la per-ver-sion.

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  7. Faudrait voir aussi à ne pas confondre l'internationalisme et le libre-échangisme.

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